Adalbert avait raison quand il confiait à Marie-Angéline que, tout en étant heureux de rentrer chez lui dans son incomparable Venise, il redoutait le moment où il franchirait le seuil de son palais, où il savait pertinemment que Lisa ne serait pas…

En effet, les dernières nouvelles reçues – Guy Buteau ne l’aurait jamais laissé dans le noir absolu – n’étaient guère réconfortantes. Lisa, qui n’avait répondu à aucune de ses lettres, s’était clairement exprimée auprès de ce vieil et fidèle ami : elle attendrait pour rentrer que son itinérant mari aille la chercher. Quelques centaines de kilomètres de plus ne lui coûteraient guère après tous ceux qu’il venait de parcourir…

Aldo détestait les ultimatums et celui-là plus encore que tout autre. Lisa aurait dû le savoir. L’idée d’aller plier le genou devant elle à Rudolfskrone lui était intolérable. Il répondit à Guy qu’il était saturé de voyages pour le moment.

Ce retour en compagnie d’Adalbert lui fit l’effet d’agréables vacances au cours desquelles il mit en veilleuse ses soucis familiaux. Mais quand le Ferdinand de Lesseps accosta Marseille au quai de La Joliette, l’impression de détente s’effaça pour laisser un goût amer. Il pensa alors qu’on était mardi et que, le surlendemain jeudi, le Simplon-Orient-Express, dont une branche reliait Venise, partirait de la gare de Lyon alors que depuis Marseille la ligne n’était pas directe.

Il en référa à Adalbert, tandis que tous deux remontaient en taxi vers la gare Saint-Charles.

— Cela me permettra de rester quelques heures de plus avec toi, conclut-il avec satisfaction.

Adalbert se mit à rire :

— Tu sais à qui tu me fais penser ?

— Dis toujours !

— À la comtesse du Barry sur l’échafaud, suppliant le bourreau de lui donner « encore un petit moment ! ». Elle te fait si peur que ça, ta femme ? Une raison de plus pour moi de rester célibataire !

— Elle ne me fait pas peur mais j’ai horreur que l’on me dicte ma conduite. Même elle… ! Surtout elle !

— Je vois. Seulement moi, je ne vais pas à Paris.

— Où donc alors ?

— Mais à Venise, mon vieux ! Si toutefois tu consens à m’offrir l’hospitalité une petite quinzaine de jours. J’ai fait retenir nos places par le réceptionniste du Cataract, ajouta-t-il en les sortant de sa poche. Tu t’es donné assez de mal pour moi… et tu as largement dépassé l’âge des « mots d’excuses ».

Aldo éclata de rire. Adalbert fit chorus et tous deux riaient encore quand le taxi les déposa devant la gare.

Dieu, que c’était bon de retrouver intacte la vieille connivence d’autrefois !


Saint-Mandé, le 12 juin 2009


Un détail pour mes lecteurs

L’Anneau d’Atlantide, ou la Bague atlante, existe encore, du moins je l’espère. Howard Carter, le découvreur du tombeau de Tout-Ank-Amon, l’a en effet trouvé aux environs d’Assouan dans la tombe d’un grand prêtre nommé Jua. J’en ai conservé la forme mais je me suis permis d’en changer la matière, afin de mieux entamer le roman. Il appartenait vers les années 70 à une famille dont je ne me reconnais pas le droit de révéler le nom.



1  Non. Trop tard.

2  L’eau haute, l’inondation.

3  Voir Les Joyaux de la Sorcière.

4  Voir Les Émeraudes du Prophète.

5  Voir La Perle de l’Empereur.

6  Voir Le Rubis de Jeanne la Folle.

7  Le premier, inauguré en 1902, infiniment plus modeste que le barrage Nasser qui a désertifié une partie de la Haute-Égypte.

8  Voir Le collier sacré de Montezuma.

9  Allusion à la pièce de Jules Romains qui remportait alors un vif succès.

10  Sous-entendu : à cheval !

11  L’armée d’Égypte était sous commandement britannique.

12  Culotte de cheval se resserrant des genoux aux chevilles mise à la mode par l’armée des Indes.

13  Voir Les Joyaux de la Sorcière.

14  Environ à l’emplacement du désastreux hôtel Oberoi.

15  Bateau plat typiquement égyptien à vocation d’habitation que l’on pouvait acheter ou louer. Un peu genre péniche.

16  Où vas-tu, Seigneur ?

17  On y jouait des pièces à grand spectacle comme Le Tour du Monde en Quatre-vingts Jours.