Séverine et Honorine dansaient une ronde en riant, des matelots lançaient leurs bonnets en l'air.

Angélique voulut prendre l'un des bébés dans ses bras. Elle ne s'habituait pas à les tenir tellement ils étaient petits et inconsistants. Elle avait toujours l'impression qu'ils lui fondaient dans les mains et qu'elle risquait de les égarer au sein de leurs blancs lainages.

Qu'ils étaient peu de chose quand ils dormaient ainsi ! Le souffle de vie qui les animait était imperceptible. Ils étaient sereins, palpitants. Ils dormaient.

Autour d'elle, on leur adressait la parole. On leur montrait ces deux montagnes rondes, posées sur la mer, comme on leur aurait désigné sur un quai d'arrivée des parents ou amis les attendant avec joie et impatience.

Le plaisir évident de Séverine ajoutait à la joie d'Angélique. Pour la petite exilée, ce coin sauvage de la dure Amérique était devenu un peu « le pays », la maison, ce lieu privilégié où l'on est certain de se retrouver parmi sa famille et ses amis, chez soi.

C'était déjà beaucoup, pensait Angélique, d'avoir réussi à créer, pour des fugitifs condamnés à la mort ou à la prison, un lieu viable où ils pouvaient goûter encore les douceurs de la vie et ces moments de bonheur faits de la joie d'aimer et d'agir sous le ciel de Dieu, qui ne sont accordés qu'aux êtres libres.

À suivre

1 Aujourd'hui baie de Fundy.

2 Il est sauvé !

3 Ils vivent ! Ils tètent !

4 Les Indiens de la région nommaient ainsi les Hollandais d'Orange.

5 Cf. « La tentation d'Angélique ».

6 Wolverine, en anglais.

7 Extrait authentique de la correspondance de la Bienheureuse Marguerite Bourgeoys.

8 Cf. « Angélique et la démone ».

9 Environ 64 kilomètres.