— Nous sommes poursuivis ! Deux cavaliers !

— Pousse tes chevaux ! clama-t-elle. Il faut être au château avant eux !

Le cocher fit prendre à son attelage un galop forcené mais, au bout d’un moment, il les retint si brutalement qu’à l’intérieur les deux femmes se retrouvèrent à genoux sur le tapis. En même temps elles l’entendirent hurler dans le vacarme des hennissements, des gourmettes entrechoquées et des claquements de sabots :

— Un arbre abattu ! Cest une embuscade !…

— Mille tonnerres ! gronda Marie. Ce démon m’a envoyée dans un piège pour se débarrasser de moi !… Essaie de passer par les champs !

— Fossé trop profond ! C’est impossible.

Le carrosse s’arrêtait. En dépit des protestations de Peran, elle sauta sur la route dans l’espoir de fuir à toutes jambes, mais déjà des hommes masqués, l’épée à la main, sortaient de l’épais feuillage du hêtre qui barrait le chemin. Là-bas, les deux cavaliers arrivaient comme la foudre. Marie comprit qu’elle était perdue, que sa vie allait s’achever là, en plein milieu de la campagne angevine et sur les terres de son propre frère, abattue par une poignée de malandrins à la solde d’un de ses ennemis. Lequel ? Il ne lui restait plus de temps pour le chercher. Seulement celui de prier peut-être…

— Epargnez mes serviteurs ! cria-t-elle.

Puis se signant d’un geste large, elle se laissa tomber à genoux dans la poussière, mais la tête bien droite … comme l’avait fait Chalais sur l’échafaud de Nantes, ferma les yeux et attendit le coup fatal. Elle n’avait même pas peur. Elle était une Rohan, mille tonnerres ! …


Saint-Mandé, 16 septembre 2004

Notes



[1] Angélique de Verneuil était fille naturelle d’Henri IV et d’Henriette d’Entragues, marquise de Verneuil.

[2] On appelait ainsi le vin de Bordeaux.

[3] On appelait ainsi le déjeuner de midi.

[4] Célèbre architecte de l’époque.

[5] Soixante ans plus tard, ce château fut rasé pour faire place à celui qui existe actuellement et dont Mansart établit les plans.

[6] Beaucoup plus petite que la Cour Carrée actuelle.

[7] C’est Henri IV qui fit venir de Flandres deux experts en tapisseries, François de la Planche et Marc de Comans, qu’il installa dans une maison appartenant à la riche famille Gobelins.

[8] Les armoires à vêtements n’existaient pas encore.

[9] Le boulevard du Palais l’a absorbée.

[10] Authentique.

[11] C’est le palais du Luxembourg, siège actuel du Sénat.

[12] Résidence actuelle du président du Sénat.

[13] Fille d’Henri IV et de Marie de Médicis.

[14] Il pourrait s’agir d’une légende lancée par les Anglais pour discréditer la noblesse française. En réalité, il n’aurait perdu qu’un seul diamant qui lui fut scrupuleusement rapporté.

[15] On francisait alors ainsi le nom de l’Anglais. L’appellation est restée un temps à la bombe de chasse en velours noir dont il avait lancé la mode lors de son séjour à Paris.

[16]  C’était le surnom d’amitié qu’elle lui donnait.

[17] Parmi lesquels Henri IV, Il se rendait chez elle quand Ravaillac avait frappé.

[18] Elle était la fille de Mme de Montglat qui avait été la gouvernante des enfants d’Henri IV.

[19] Quais le long de l’Arno.

[20] La toise, ancienne mesure française de longueur, équivalait 1,949 mètres.

[21] La monte en amazone, inventée par Catherine de Médicis, ne supportait pas une abondance de jupons.

[22] Voir le tome 1 de Secret d’Etat : La Chambre de la Reine.

[23] C’est aujourd’hui le jardin Anglais.

[24] Equivalent au grade de colonel.

[25] Feu le prince de Conti percevait des revenus de l’antique abbaye.

[26] Il ne reste presque rien de l’appareil féodal primitif.

[27] Voir le tome 1 de Secret d’Etat : La Chambre de la Reine.

[28] Le Maréchal devait mourir l’année suivante à Auray.

[29] La Louvière, Bois d’Annemets, Puylaurens et quelques autres.

[30] Louis Vaunois, Vie de Louis XIII.

[31] Le Maréchal mourut dans sa prison le 2 septembre suivant… d’une rétention d’urine, mais on parla d’empoisonnement. Le Grand Prieur eut le même sort quelques mois plus tard, César fut banni.

[32] L’exil ne signifiait pas fatalement le passage des frontières. Le plus souvent le coupable était confiné sur ses terres.