– D’après ce que je vois, on te l’a rendue ? fit Adalbert en adressant un petit salut à la comtesse assise à l’arrière et soutenant Elsa qui semblait dormir.
– Ce fut moins simple que tu ne le crois ! Au fait, Herr Schindler, n’avez-vous pas entendu une explosion tout à l’heure ?
– Si et j’ai déjà envoyé quelqu’un. C’était vers Strobl ?
– C’était la maison dans laquelle cette malheureuse femme était retenue prisonnière. Grâce à Dieu, on a pu l’en tirer à temps ! Messieurs, si ça ne tous ennuie pas, je vais reconduire Mme von Adlerstein et sa protégée à Rudolfskrone. L’une comme l’autre ont besoin de repos et Lisa doit être folle d’inquiétude...
– Allez-y ! On se reverra plus tard ! Mais il me faudrait une description minutieuse de ce Solmanski ?
– Monsieur Vidal-Pellicorne vous en fournira une des plus précises. Et puis, la baronne possède peut-être une photo ?
– Oh, ça m’étonnerait, dit Adalbert. Un homme qui est déjà recherché par Scotland Yard ne doit pas laisser traîner ses effigies dans les salons...
Sans en entendre davantage, Morosini repartit et, quelques minutes plus tard, la voiture atteignait le château qui, cette fois, était éclairé comme pour une fête. Lisa, enveloppée dans une grande cape verte, faisait les cent pas devant la maison. Elle semblait très calme, pourtant, quand Aldo s’arrêta et descendit, elle se jeta dans ses bras en sanglotant...
CHAPITRE 10 UNE ENTREVUE ET UN ENTERREMENT
Adalbert repoussa sa tasse de café, alluma une cigarette et s’accouda après avoir relevé sa mèche rebelle d’un geste machinal :
– Et maintenant qu’est-ce qu’on fait ?
– On réfléchit, fit Aldo.
– Jusqu’à présent, ça ne nous mène pas loin...
Les deux compagnons étaient rentrés à leur hôtel aux petites heures du matin. Leur présence à Rudolfskrone, où Mme von Adlerstein avait obtenu que l’on rapporte le corps de son cousin après autopsie, n’était plus de mise et aurait peut-être encombré. Il y avait aussi Elsa, dont l’état nerveux nécessitait des soins attentifs avant qu’elle puisse répondre aux questions du commissaire Schindler.
Aldo fit signe à un serveur pour obtenir un autre café et, en l’attendant, alluma lui aussi une cigarette :
– Non, fit-il, et c’est bien dommage. La logique voudrait que nous courions sus à Solmanski, mais à condition de savoir de quel côté le chercher.
Jusqu’à présent, on n’avait retrouvé ni le comte ni les bijoux, et c’était ce dernier point qui les tourmentait le plus : l’opale était désormais entre les mains du pire ennemi de Simon Aronov !
– On peut toujours patienter un peu, soupira Adalbert en exhalant une longue volute de fumée bleue. Ce Schindler nous est reconnaissant de l’avoir prévenu. On glanera peut-être quelque chose de son enquête.
– Peut-être.
Il n’y croyait guère, Aldo. Son moral était à l’étiage. Bien qu’il ait eu la chance de sauver Elsa, il éprouvait un pénible sentiment d’échec : le Boiteux lui avait presque mis dans la main la gemme recherchée ; il la lui avait désignée en lui faisant confiance pour la cueillir et il s’en était montré incapable. Pis encore ! C’étaient peut-être leurs recherches sur Hallstatt, à Vidal-Pellicorne et à lui, qui avaient montré aux assassins le chemin de la maison du lac ? Et cette idée-là lui était insupportable. Mais comment aurait-il pu savoir que Solmanski était déjà au cœur de l’affaire ? Et par sa sœur, encore ! Il fallait que cet homme soit le diable !
– N’exagérons rien ! dit Adalbert qui semblait avoir suivi sur le visage de son ami le cheminement de sa pensée. Ce n’est jamais qu’un mécréant doué et capable du pire mais ça, on le savait déjà...
– Comment sais-tu que je pensais à Solmanski ?
– Pas difficile à deviner ! Quand ton œil vire au vert, ce n’est pas en général quand tu évoques un ami... ou une amie. Je ne comprends pas d’ailleurs pourquoi tu fais cette tête ? L’accueil de Lisa, cette nuit, était plutôt... réconfortant non ?
– Parce qu’elle m’est tombée dans les bras ? Oh ! ... ses nerfs étaient à bout et je suis arrivé le premier. Si Fritz ou toi m’aviez précédé, c’est vous qui auriez bénéficié de cette défaillance...
– La première chose à faire est de prévenir Simon. Il arrivera peut-être, lui, à dénicher Solmanski. Je vais aller télégraphier à sa banque zurichoise.
Il se levait de table pour mettre son projet à exécution quand un groom s’approcha de leur table et tendit à Aldo une lettre sur un plateau d’argent. A l’intérieur, il n’y avait pas plus de cinq mots : " Venez. Elle vous réclame. Adlerstein. »
– Tu iras plus tard à la poste, dit-il, en tendant le billet à son ami.
– C’est toi qui es appelé. Pas moi, dit celui-ci avec une nuance de regret qui n’échappa pas.
– Nous sommes deux dans l’esprit de la comtesse. Quant à... la princesse – depuis qu’il avait vu son visage, Aldo n’arrivait plus à l’appeler Elsa ! – tu mérites sa gratitude autant que moi. On y va !
En arrivant au château, ils trouvèrent Lisa en haut du grand escalier. Sa stricte robe noire les surprit :
– Vous allez porter le deuil ? Pour un cousin éloigné ?
– Non, mais, jusqu’aux funérailles qui auront peu demain, c’est plus correct. Le pauvre Alexandre n’a pas de famille, nous exceptées. Aussi grand-mère lui offre-t-elle une tombe au cimetière... Adalbert, vous allez être obligé de me tenir compagnie, ajouta-t-elle en souriant à l’archéologue. Elsa veut voir seul celui qu’elle appelle Franz. C’est bien naturel...
Il y avait dans ses paroles une note de tristesse qui n’échappa pas à Morosini :
– C’est surtout insensé ! D’après votre grand-mère, je ne ressemble pas à cet homme. Pourquoi ne l’avoir pas détrompée ?
– Parce qu’elle a trop souffert, murmura la jeune fille avec des larmes dans les yeux. Si j’osais même vous demander de jouer le jeu, de ne pas lui apprendre son erreur ? ...
– Vous voulez que je me comporte comme si j’étais son fiancé ? fit Aldo abasourdi. Mais je ne saurai jamais !
– Essayez ! Dites-lui... que vous êtes obligé de retourner à Vienne, que... que vous devez subir une opération ou... accomplir une nouvelle mission mais, par pitié, ne lui dites pas qui vous êtes. Grand-mère et moi craignons le moment où elle apprendra sa mort, elle est si faible ! Quand elle aura repris des forces, ce sera plus facile ! Vous comprenez ?
Elle avait pris les deux mains d’Aldo et les serrait entre les siennes comme pour leur communiquer sa conviction, son espérance. D’un geste plein de douceur, il se dégagea mais ce fut pour s’emparer des doigts de la jeune fille et les porter à ses lèvres :
– Quel avocat vous feriez, ma chère Lisa ! dit-il avec son demi-sourire impertinent pour masquer son émotion. Vous savez bien que je ferai ce que vous voulez mais il va falloir vous mettre en prière : je n’ai jamais eu le moindre talent de comédien...
– Songez à ce qu’a été sa vie, regardez-la bien... et puis laissez parler votre cœur généreux ! Je suis sûre que vous vous en tirerez à merveille ! Josef va vous introduire : elle est dans le petit salon d’écriture de Grand-mère.
Lisa allait prendre le bras d’Adalbert pour l’emmener mais Aldo la retint :
– Encore un mot... indispensable ! Rudiger connaissait-il ses origines plus que princières ?
– Oui. Elle ne voulait pas qu’il ignore quoi que ce soit d’elle. D’après ce que je sais, il lui montrait ne tendre déférence. C’est une attitude que je ne pourrais pas demander à n’importe qui, mais vous êtes le prince Morosini et les reines ne vous font pas peur.
– Votre confiance m’honore. Je ferai de mon mieux pour ne pas la décevoir...
Un instant plus tard, Josef annonçait :
– Le visiteur qu’attend Votre Altesse !
Puis s’effaçait en s’inclinant. Aldo s’avança, pris d’un trac soudain comme si cette porte débouchait sur une scène de théâtre et non sur un petit salon tendu de soie beige et réchauffé par les flammes d’un feu de bois. En dépit de son aisance mondaine, il dut se forcer pour franchir le seuil. Il n’avait jamais imaginé se trouver un jour dans une situation si délicate. Aussi, dès que son premier pas eut fait grincer les lames du parquet, choisit-il de s’incliner devant l’image qu’il n’avait fait qu’entr’apercevoir :
– Madame ! murmura-t-il d’une voix tellement enrouée qu’il s’en fût amusé en d’autres temps et en En autre Heu.
Un petit rire frais et léger lui répondit :
– Que vous voilà solennel, mon ami ? ... Venez ! Venez ! ... Nous avons tant à nous dire !
En se redressant, il eut l’impression de voir double : le profil de la femme qui l’accueillait, assise dans une bergère au coin du feu, était semblable à celui du buste de marbre placé à quelques pas d’elle : même dessin, même blancheur. La dame au masque de dentelles noires, le sombre fantôme de la crypte des Capucins était, ce soir, vêtue de blanc : une robe de fin lainage l’enveloppait et une écharpe de mousseline neigeuse posée sur sa chevelure nattée en couronne retombait de façon à ne laisser voir que la moitié intacte du visage. L’une des mains d’Elsa jouait avec le léger tissu qu’elle ramenait parfois devant sa bouche tandis que l’autre se tendait vers le visiteur...
Il fallut bien que celui-ci s’avance. Pourtant il sentait s’accroître sa gêne et son malaise, peut-être à cause du ton intime que l’étrange femme employait. Il prit la main tendue sur laquelle il s’inclina sans oser y poser ses lèvres.
– Pardonnez mon émotion ! réussit-il enfin à murmurer. J’avais perdu l’espoir de vous revoir jamais, madame...
– Vous vous êtes bien fait attendre mais, Franz, comment le regretter encore puisque vous avez pu surmonter vos souffrances pour voler à mon secours et m’arracher à la mort...
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