Nageant à s’en faire éclater le cœur, il força sa vitesse, les yeux dans la profondeur transparente de l’eau, priant éperdument le Seigneur de lui permettre d’arriver à temps. Et soudain il la vit devant lui, descendant doucement, comme une longue herbe marine vers les profondeurs bleues : elle coulait…

Avec un grondement de joie qui lui fit avaler de l’eau, il la saisit, l’élevant au-dessus de l’eau dans ses bras fatigués vers l’air pur, vers la vie. Mais elle ne bougeait plus… et la plage, soudain, lui apparut si loin, si loin… Jamais, avec le poids du corps de Judith, il ne pourrait y revenir.

Bien sûr, il allait essayer mais Dieu seul jugerait s’il méritait encore qu’on lui accordât le surcroît de forces qui lui permettrait d’y arriver.

Tenant la jeune femme d’un bras, il commença à nager sur le dos pour lui garder la tête hors de l’eau, lui parlant doucement comme si elle pouvait l’entendre, parlant aussi à cet enfant qu’il savait là, si près de lui, à l’abri sous la douce peau de sa mère, cet enfant qui ne demandait qu’à vivre, les adjurant de l’aider à les ramener jusque la plage.

Comme il les aimait, tous les deux, à cette minute où la mort allait peut-être les lui reprendre avec sa propre vie !

La voix de Finnegan lui parvint comme du fond d’une épaisseur de coton :

— Tiens bon ! J’arrive !

Il se retourna, aperçut, dans un étincellement de soleil, la proue d’une barque qui fonçait sur lui et comprit que Dieu l’avait entendu, qu’il avait encore droit à la vie et que la superbe « Haute-Savane » allait enfin devenir un vrai foyer, ce paradis impossible d’un petit paysan aux yeux tristes qui avait un soir, dans le soleil couchant, pêché son rêve sur les bords du Blavet…



1. Dieu vous bénisse en cette maison…