– Alors... regrette-moi, monseigneur ! Pense à moi ! Elle allait s’élancer ; il retint le cheval avec une force que sa maigre silhouette ne laissait pas soupçonner.

– Qui m’a donné ce baiser ? Est-ce Fiora Beltrami, est-ce la dame de Selongey ?

– Ni l’une ni l’autre. Une fille de ce pays : une Florentine... une simple Florentine !

Et parce qu’elle ne voulait pas qu’il devinât les larmes qui lui venaient aux yeux, elle enleva son cheval et partit au galop dans la longue allée de cyprès mais, parvenue au bout, elle retint la bête pour attendre ses compagnons. Démétrios la rejoignit le premier.

– Nous devons aller chercher la route de Prato, dit-il de sa voix basse et rassurante. Il faut passer par les collines... Laisse-moi te guider !

Elle lui sourit :

– Seulement si tu me mènes là où je veux aller ! ... Hieronyma s’est échappée mais un jour je la retrouverai. En attendant, nous avons d’autres comptes à régler.

Pour sentir encore une fois l’air des collines dans ses cheveux, elle ôta son chaperon et leva la tête. La nuit était belle et douce, pleine de toutes les senteurs du printemps. Une nuit faite pour le bonheur et qui, pourtant, était pour elle la nuit de l’exil... Rendue plus grêle encore par l’éloignement, la cloche du couvent de Fiesole sonna le dernier office du soir. Fiora ferma les yeux pour mieux en graver l’écho dans sa mémoire. En même temps, sa main cherchait sous son pourpoint l’anneau d’or qui avait repris sa place au bout de sa chaîne :

– Philippe, murmura-t-elle pour elle seule et si bas que le vent lui-même ne l’entendit pas, Philippe... pourquoi es-tu revenu ?

Saint-Mandé, 1ermars 1988.