« Si je trouve votre trésor, il vous sera rendu. Il est impensable qu’un passionné de joyaux ne déplore pas une perte si cruelle mais ne m’en demandez pas plus ! Vous auriez pu faire confiance à mon amitié ! »
En attendant, la gratitude de Morosini pleuvait sur ceux qui la méritaient et singulièrement son sauveur, le sergent Worraby, qu’il était allé remercier, féliciter de son incroyable flair, et auquel il avait offert une copie conforme de sa chère vedette.
Pour en finir avec le banquier, il n’avait pas renoncé à ses propres recherches et confié à son gendre que, chacun rentré chez soi, il avait bien l’intention de retourner au Brésil où il avait une bonne piste pour les émeraudes de Cabral.
— Et vous, quels sont vos projets ? demanda-t-il, ce qui lui valut l’un des plus séduisants sourires d’Aldo :
— Faire mon métier comme avant ! Après la grande soirée chez le duc de Cartland que préparent Caroline et Peter afin de célébrer notre retour à la vie normale, nous allons rentrer à Venise, y donner nous aussi une fête avec tous les amis et reprendre les joies de la vie quotidienne.
— La chasse aux merveilles du passé ?
— Seulement dans le cadre parfois agité mais sans péril des salles des ventes, voire des ventes privées...
— Plus d’expéditions lointaines dans le style Kledermann en Amazonie ?
— Après ce qui vient de m’arriver ? Vous voulez rire. Pas de destination plus lointaine que Paris, et principalement l’hôtel de Sommières. Lisa prétend qu’on ne devrait jamais quitter Venise !
— Elle n’a pas tout à fait tort. Cela lui vaudra au moins, à elle, une vie plus tranquille !
— Dire que je n’en aurai plus envie serait un gros mensonge, surtout avec Adalbert, mon vieux compagnon de voyage, qui lui-même est un peu fatigué de me raccompagner au logis pour y servir de « mot d’excuses pour absence trop lointaine et trop prolongée ». Pourtant il y a une dernière aventure dans laquelle j’aimerais me lancer !
— Et celle-là, soupira Plan-Crépin, j’ai peur que vous n’y résistiez guère si la moindre piste se présente ? La chasse au Sancy, n’est-ce pas ? Tant qu’il n’aura pas reparu, celui-là, vous ne vivrez pas tranquille !
— Essayez de me comprendre ! C’est l’un des plus beaux diamants du monde et je ne suis pas le seul qui souhaiterait mettre la main dessus ! Malheureusement on n’a pas le moindre bout de piste !
— Pourquoi ne le chercherait-on pas en Amérique ? proposa Peter, ce serait le plus logique, surtout sachant qu’Ava est capable de tout ! Et d’ailleurs, pour quelle raison ne bénéficierions-nous pas des nouveaux et si rares talents de Mlle du Plan-Crépin ? Sans elle, nous n’aurions jamais retrouvé vos traces, prince !
— C’est vrai ? Vous voilà médium, Angelina ? Pourquoi ne brancheriez-vous pas vos pouvoirs tout neufs sur le diamant ? Il doit émettre de sacrés rayonnements, celui-là ?
— Ce serait déjà fait si je possédais un témoin pour diriger mes recherches. En outre, je crains d’avoir perdu mes pouvoirs !
— Vous désespérez trop vite, intervint Mary. J’ai lu hier dans un journal français que Botti aurait repris ses consultations après une absence plus brève qu’on ne le craignait ! Téléphonez-lui, il doit avoir une réponse à votre problème !
Ce qu’elle fit sans plus tarder. Deux heures plus tard, elle volait vers Paris en compagnie de Mary qui ne voulait pas la laisser voyager seule et afin de ne pas fatiguer Mme de Sommières qui avait grand besoin de repos. Enfin, le soir même, toutes deux sonnaient à la porte de la rue Campagne-Première. Après avoir présenté à Botti la grande journaliste Mary Windfield, Marie-Angéline retrouva avec bonheur l’impression réconfortante de sa première visite quand, assises en face de lui, elle glissa sa main dans les siennes, toujours aussi chaudes, et que son regard se perdit dans ce qui ressemblait de plus en plus à un ciel semé d’étoiles.
— Dites-moi tout ! ordonna-t-il doucement. Vous auriez perdu vos pouvoirs ? Vous entre toutes ?
— C’est une sensation épouvantable !
— Je sais, mais il doit être possible de vous les rendre. Racontez-moi ce qui s’est passé depuis la dernière fois !
Il l’écouta attentivement puis observa :
— Quand vous partiez en expédition, vous n’emportiez pas, je suppose, votre témoin en or massif ?
— Non, bien sûr, c’eût été trop dangereux ! Un objet de cette valeur !
— Quoi alors ?
— Ce que vous m’aviez vous-même conseillé, une photo d’Aldo !
— Alors prenez une reproduction aussi fidèle que possible de la pierre. Personnellement, je penche pour les États-Unis. Oh, je sais, le pays est immense et l’exploration des cartes à peu près irréalisable, mais vous avez la foi.
— Ne pourriez-vous nous aider ?
— En m’y rendant aussi ? Peut-être, pourquoi pas ? Une pierre, vous devez vous en douter, n’émet pas les mêmes radiations qu’un être humain, sinon la chasse au trésor aurait fait florès depuis longtemps, mais la dose de malfaisance de l’individu qui la convoite ne manque pas de puissance. C’est là-dessus qu’il faut miser. Ainsi un portrait de cette Ava par exemple ? Vous, Mary, avez tout ce qu’il faut pour cela. Faites-en un pour vous et un pour moi ! outre que ce ne sera pas un paiement royal... mais vous devriez être un très bon conducteur car je sens que vous n’aimez pas cette femme !
— Qui l’aimerait ? À part elle-même.
— Justement, la haine attire la haine à la façon d’un aimant, et si l’on y ajoute les traînées de sang laissées par l’objet au cours de l’Histoire !...
— Parfait ! exulta Plan-Crépin. Quand partons-nous pour New York ?
Angelo Botti eut un geste apaisant :
— Rien ne presse et mieux vaut laisser un peu de temps au temps ! Au moins à une artiste de renom, celui d’exécuter deux chefs-d’œuvre de plus !
— Quelle merveille ! s’exclama Mary devant La Madone à la grenade. On savait peindre à l’époque ! Il est vrai que tout le monde ne s’appelait pas Botticelli !
— Grâce à Dieu, il y a aussi de grands peintres de notre temps ! Puis-je me permettre de demander à quoi vous pensiez ?
— Si on m’avait dit un jour que je reproduirais les « traits » sublimes de cette bourrique d’Ava Astor ? C’est vraiment indispensable ? Vous savez que cela va être pour moi la pire des pénitences ?
— Pourtant, ce faisant, vous rendrez peut-être à vos amis si chers le plus appréciable des services ?
— Pourquoi ? Tout rentre dans l’ordre à présent et chacun chez soi ? intervint Marie-Angéline.
Il se rapprocha d’elle et baissa la voix de plusieurs tons :
— Surtout ne réagissez pas ! Tout n’est pas réglé pour tout le monde !
Un filet d’eau glacée coula dans le dos de la jeune femme :
— Je me doute naturellement de ce que tous nos ennemis ne sont pas abattus et que certains s’acharnent. La sagesse ne serait-elle pas de rapatrier tout le monde à Venise, et ce soir même ?
— Avant la soirée d’au revoir que donne la duchesse de Cartland ? Je me demande si la précaution ne serait pas plus dangereuse. Songez donc ! Le roi, la reine, la Cour au grand complet... et Morosini triomphant qui s’en irait sans prévenir ?
— S’il existe encore un danger, il faudrait peut-être au moins avertir sir John Sargent ?
— Il existe toujours des dangers, petits ou grands ! Morosini revient de loin, certes, mais il a trouvé ceux qu’il fallait pour l’en sortir ! Au surplus, une vague impression n’est qu’une vague impression, chère amie ! Et les hommes sont faillibles !
Il n’empêche que ni Plan-Crépin ni Mary n’étaient tranquilles en rentrant en Angleterre. Mary, pour sa part, avait trouvé le « grand homme » rien de moins que rassurant. S’il existait encore une menace, qu’il le dise, bon sang ! Et qu’on n’en parle plus ! Aussi convoqua-t-elle son ami et amoureux platonique, l’Honorable Peter, l’homme aux menus cadeaux quotidiens et au five o’clock tea, pour lui confier ses soucis. Il se mit presque en colère :
— C’est à moi qu’il va avoir affaire s’il persiste dans cette direction, votre grand homme ! Allez lui dire que, chez nous – sauf cas Ava ! –, on ne pratique pas les chausse-trappes et que, quand on donne une fête en l’honneur de quelqu’un, il en revient plutôt content et ne souhaite que recommencer. Mais après tout, réflexion faite, ce monde est tellement tordu qu’il est préférable de veiller au grain et je vais en toucher un mot à ma mère ! Quant à vous, essayez de vous faire belle !
— Ne le suis-je pas suffisamment ?
— Que si ! Mais encore plus belle !
— Comme... Lisa, par exemple ! Personne ne peut la surpasser, n’est-ce pas ?
Il y avait encore pas mal d’innocence dans le cœur candide de Peter. Il rougit comme une belle pivoine, confirmant ainsi glorieusement ce dont l’œil d’artiste de Mary avait bien cru s’apercevoir : il jouait à la perfection, auprès d’elle, les amoureux transis, mais c’était de Lisa dont il était éperdument amoureux... et elle le plaignit de tout son cœur. Face à Aldo, il ne pouvait peser lourd !
Le grand soir était arrivé. Chez Adalbert, les Sargent et à peu près toute la haute société, chacun se préparait, et si le Sancy manquait toujours à l’appel, les joyaux sortis des coffres et des écrins avaient de quoi faire rêver plus d’une femme sans compter les hommes, et n’était point besoin pour cela qu’ils soient célèbres.
Dans leur chambre, Aldo agrafait au cou gracieux de Lisa le haut collier de chien de diamants, d’aigues-marines et de perles qu’il aimait particulièrement parce qu’il faisait chanter l’éclat de sa peau, de ses épaules nues, de sa somptueuse chevelure d’un rare blond doré cuivre, sur l’arrière de laquelle des pierres assorties au collier formaient une sorte de petite couronne. De minces cercles des mêmes gemmes entouraient l’un de ses bras alors que l’autre restait nu, se contentant en fait d’ornement de la grosse émeraude qui avait été sa bague de fiançailles. La longue robe légèrement traînante était de velours noir.
"Le vol du Sancy" отзывы
Отзывы читателей о книге "Le vol du Sancy". Читайте комментарии и мнения людей о произведении.
Понравилась книга? Поделитесь впечатлениями - оставьте Ваш отзыв и расскажите о книге "Le vol du Sancy" друзьям в соцсетях.