Comme des libelles venimeux commencent à circuler, Lesdiguières en vient à penser qu’il faut tout de même sauver les apparences : pour rencontrer Marie plus commodément et sans faire hurler toute la ville, il achète un petit château des environs, y installe Jean Vignon, le père de Marie, et peut ainsi rejoindre sa maîtresse sans attirer trop de monde aux fenêtres. Voilà pour le confort amoureux. Reste le mari, pratiquement privé de sa femme : Lesdiguières en fait un troisième consul de la ville, ce qui a au moins pour résultat d’obliger les rieurs à rire plus discrètement. Ennemond Matel pourrait refuser dignement le présent de son rival mais il ne résiste pas aux attraits des honneurs et une vie assez agréable s’instaure entre ces trois personnages.

En 1608, les travaux de Vizille sont déjà bien avancés et le couple irrégulier peut y passer quelques jours d’été. Le reste du temps, on vit au palais delphinal qui fut jusqu’en 1962 la mairie de la ville. Voyant son époux bien calmé Marie a fini par venir s’y installer tout à fait. C’est là qu’une triste nouvelle arrive : la pauvre épouse malade vient de mourir.

On ne sait de quel cœur Lesdiguières apprit la mort de sa femme. Son chagrin, en tout cas, fut de courte durée : Marie était là. Et puis le roi venait de le nommer maréchal de France. Ce sont de ces choses qui font plaisir. Mais il fut plus content encore lorsqu’en 1611 le nouveau roi Louis XIII le fit duc et pair.

Marie voyait avec un vif plaisir tous ces titres superbes couronner son amant mais soupirait un peu en songeant qu’elle ne pouvait pas les partager. Être duchesse c’était pourtant un joli rêve et elle le serait tout de suite sans doute si le malencontreux Ennemond Matel ne s’obstinait à s’épanouir sous le soleil. Mais comme elle était à la fois bonne catholique et pieuse, Marie s’interdisait sagement des rêves aussi dangereux.

Il se trouva alors que le destin jugea opportun de lui apporter une aide parfaitement inattendue. En 1614, Lesdiguières reçut un envoyé du duc de Savoie qui l’appelait au secours car sa réputation du plus grand soldat de son temps n’était plus à faire. La grande Élisabeth d’Angleterre ne soupirait-elle pas : « Plût à Dieu qu’il y eût en France deux Lesdiguières et que j’en puisse obtenir un du roi ! » ?

Donc un envoyé arrive. Il se nomme le colonel Alard et, à peine arrivé à Grenoble, il s’enquiert de ce qui pourrait faire vraiment plaisir à celui qu’il vient solliciter. L’affaire, en effet, n’est pas simple : le duc de Savoie a des démêlés avec le roi d’Espagne et le jeune roi Louis XIII vient d’épouser l’infante Anne. Si puissant que soit Lesdiguières, il lui sera peut-être difficile d’intervenir dans un réseau diplomatique aussi délicat. Et tout à coup, Alard trouve le cadeau idoine : la belle Marie a un époux, cet époux est encombrant, supprimons l’époux ! Et un beau soir, alors qu’il revient de ses vignes, Ennemond Matel est tué d’un coup d’épée discret.

Discret mais tout de même bruyant. On arrête Alard et il va falloir à Lesdiguières des trésors de diplomatie et de ruse pour le tirer de sa prison et le renvoyer à son maître tout entier. Il y réussit et c’est avec un grand soulagement qu’il voit partir Alard. C’eût été pour lui un gros chagrin d’envoyer à l’échafaud un homme qui s’était si bien dévoué à son bonheur.

Pour combler la distance qui sépare un duc et pair d’une modeste Marie Vignon, il commence par obtenir pour elle le titre de marquise de Treffort. Puis, le 16 juillet 1617, au Touvet, dans la chapelle du château de Marcieu, Guillaume d’Hughes, évêque d’Embrun, marie François de Lesdiguières et Marie Vignon. Le mariage n’est guère valable du point de vue protestant mais l’essentiel est qu’il soit célébré.

Voilà Marie duchesse et dame de Vizille où elle fait une entrée superbe. Les travaux du château, confiés d’abord à Pierre La Cuisse puis, en 1617, à Guillaume Le Moyne, tirent vers leur fin. En 1620, il ne manque plus que le grand portail mais, dès l’année précédente, le couple ducal y a donné des fêtes brillantes en l’honneur de la princesse Christine de France qui s’en allait en Piémont épouser le prince Victor-Amédée. Et la duchesse Marie y tient presque toute l’année une cour pleine d’éclat et d’élégance.

En 1622, consécration suprême, elle reçoit le roi Louis XIII qui s’en revient de Provence. C’est alors qu’elle entend évoquer un projet mirifique : il s’agirait de faire de Lesdiguières un connétable de France. Malheureusement, il est toujours protestant et cela crée une impossibilité. Alors Marie prend contact avec François de Sales, l’auguste évêque de Genève, et, à eux deux, ils vont amener enfin Lesdiguières à abjurer ou plutôt à revenir à la religion de son enfance qu’il avait abandonnée pour entrer dans l’armée protestante. Le 26 juillet 1622, la cérémonie a lieu. Aussitôt après, Lesdiguières reçoit les lettres patentes qui lui confèrent la prestigieuse dignité militaire.

Quatre ans plus tard, le 28 septembre 1626, le connétable trouve la mort à Valence par la faute d’une mauvaise fièvre. Il a quatre-vingt-trois ans. Marie, souffrante, doit quitter Vizille et goûtera même de la prison par la faute de son gendre mais un ordre du roi lui rend la liberté et c’est à Grenoble qu’elle meurt en 1657.

Le château qui, avant sa reconstruction, avait reçu Louis XI, Charles VIII, Louis XII et François Ier, recevra en 1788 l’assemblée des trois ordres des États de Dauphiné, ce dont, à la Restauration, le duc d’Angoulême lui tiendra rigueur.

Après divers propriétaires, l’État français en fait l’achat comme résidence d’été pour les présidents de la République. Le président Coty puis le général de Gaulle y séjournèrent mais, en 1971, le président Pompidou et l’État français en faisaient don au département de l’Isère.


Horaires d’ouverture

Du 1er avril au 31 octobre 10 h-12 h 30 et 13 h 30-18 h Du 2 novembre au 31 mars 10 h-12 h 30 et 13 h 30-17 h

Fermé le mardi, le 1er janvier, le 1er mai, les 1er et 11 novembre et le 25 décembre.

Le château abrite le musée de la Révolution française et le parc est classé monument historique.

http://www.domaine-vizille.fr

Les châteaux leur situation géographique

L’Élysée, Paris

Amboise, Indre-et-Loire

Angers, Maine-et-Loire

Bagatelle, bois de Boulogne

Balleroy, Calvados

Bellême, Orne

Blaye, Gironde

Bonneval, à Coussac-Bonneval, Haute-Vienne

Le Bouihl, commune de Saint-André-de-Cubzac, Gironde

Boursault, Marne

Brissac, Maine-et-Loire

Bussy-Rabutin, Côte-d’Or

Candé, Indre-et-Loire

Carrouges, Orne

Castries, Hérault

Chamarande, Essonne

Chambord, Loir-et-Cher

Le Champ de Bataille, Eure

Châteaubriant, Loire-Atlantique

Château-Gaillard, commune des Andelys, Eure

Châteaugay, Puy-de-Dôme

Chinon, Indre-et-Loire

Clisson, Loire-Atlantique

Le Clos-Lucé, à Amboise, Indre-et-Loire

Compiègne, Oise

La tour de Constance, à Aigues-Mortes, Gard

Cropières, près Raulhac, Cantal

Dampierre, Yvelines

Entrecasteaux, Var

Eu, Seine-Maritime

Falaise, Calvados

Ferney, Ain

Fervaques, Calvados

La Genevraye, Orne

Grosbois, Seine-et-Marne

Hautefort, Dordogne

Château d’If, Bouches-du-Rhône

Jean d’Heurs, commune de Lisle-en-Rigault, Meuse

Josselin, Morbihan

Limoëlan, commune de Sévignac, Côtes-d’Armor

Loches, Indre-et-Loire

Louveciennes, Yvelines

Lunéville, Meurthe-et-Moselle

Malesherbes, Essonne

Mareuil-en-Brie, Marne

Meung-sur-Loire, Loiret

Montargis, Loiret

Monte-Cristo, Yvelines

Montségur-sur-Lauzon, Drôme

Montsoreau, Maine-et-Loire

Nantes, Loire-Atlantique

Nérac, Lot-et-Garonne

Nohant, Indre

Les Nouettes, à Aube, Orne

Offémont, commune de Tracy-le-Mont, Oise

Oiron, Deux-Sèvres

Pau, Pyrénées-Atlantiques

Polignac, Haute-Loire

Pontchartrain, Yvelines

La Roche-Courbon, commune de Saint-Porchaire, Charente-Maritime

Les Rochers, Ille-et-Vilaine

Royaumont, Oise

Sauveterre-de-Béarn, Pyrénées-Atlantiques

Saverne, Bas-Rhin

Sceaux, Hauts-de-Seine

Tourlaville, Manche

Trécesson, commune de Campénéac, Morbihan

Uzès, Gard

Vaux-le-Vicomte, Seine-et-Marne

Véretz, Indre-et-Loire

La Verrerie, commune d’Oizon, Cher

Vésigneux, commune de Saint-Martin-du-Puy, Nièvre

Villette, commune de Condécourt, Val-d’Oise

Vincennes, Val-de-Marne

Vizille, Isère

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