Après cette superbe et fulgurante histoire, il est difficile de revenir au château d’If où elle a commencé de façon si romanesque. Au château d’If qui était devenu prison d’État. Une prison où passèrent des personnages extraordinaires comme le mystérieux Masque de Fer, Mirabeau et Philippe Égalité, le prince régicide qui avait voté à la Convention la mort de son cousin Louis XVI. Gens qui furent de bien réels prisonniers, avec tout ce que cela implique de désespoir et de souffrance. Mais il appartenait à Alexandre Dumas d’assurer pour jamais et devant le monde entier la renommée du château d’If.
Pour les innombrables lecteurs du Comte de Monte-Cristo, la vieille forteresse marseillaise est avant tout la prison d’Edmond Dantès. Au point que, cette prison, on la montre toujours, ainsi que celle de l’abbé Faria, comme s’ils avaient existé l’un et l’autre.
Vers la fin du siècle dernier, le gardien chargé de faire visiter le château d’If se nommait Grosson. C’était un guide comme on n’en trouve plus, plein de faconde et d’imagination méridionales. C’est ainsi qu’un jour, il eut à faire visiter le château à Alexandre Dumas lui-même qui avait eu envie de revoir le théâtre de ses exploits littéraires et qui, bien sûr, ne se fit pas connaître.
— Vous voyez ce trou, dit Grosson. C’est l’abbé Faria qui l’a creusé avec une arête de poisson. Monsieur Alexandre Dumas l’a raconté dans son célèbre roman Monte-Cristo.
— Ah, dit Dumas. Ce monsieur sait donc beaucoup de choses ? Vous le connaissez peut-être ?
— Je crois bien, fait l’autre avec assurance. C’est l’un de mes meilleurs amis…
— Il vous en sait gré…
Et, dans la main du gardien ébahi, le romancier glissa deux louis d’or…
HORAIRES D’OUVERTURE
Du 15 mai au 20 septembre 9 h 40-17 h 40
Du 21 septembre au 14 mai
9 h 30-17 h 30
(fermé le lundi)
Fermé le 1er janvier et le 25 décembre.
http://if.monuments-nationaux.fr/
Jean d’Heurs
Le roman d’une maréchale d’Empire
Deux étions et n’avions qu’un cœur.
Quand, en 1809, le maréchal Oudinot reçoit de Napoléon Ier, après la bataille de Wagram où il s’est conduit en héros, le titre de duc de Reggio, il se prend à penser que sa maison de Bar-le-Duc est peut-être un peu trop modeste pour contenir un si haut personnage et qu’en tout état de cause il lui faut un château. Ne serait-ce que pour y installer, outre la duchesse sa femme et ses enfants, son écurie de dix-huit chevaux, l’étalon que lui a offert le tsar et enfin son souvenir préféré : le canon qu’en 1800 il a pris à l’ennemi, sur le Mincio, et auquel il a naturellement donné ce nom.
Son choix tombe sur une ancienne abbaye de prémontrés située à trois lieues de Bar, vieille de plusieurs siècles mais que divers incendies et autant de reconstructions ont fini par transformer en une superbe bâtisse du XVIIIe siècle implantée auprès d’un cloître et d’une église fort abîmés. Seul, il faut bien le dire, le palais abbatial est en bon état. Aussi est-ce d’un cœur tranquille que le maréchal fait abattre l’église et une partie du cloître pour installer ses écuries. L’histoire ne dit pas si, pour obtenir ce résultat, il se servit du canon.
Le décor étant ainsi planté, revenons une année en arrière, et arrêtons-nous dans le jardin du couvent Notre-Dame de Bar-le-Duc par un beau jour de l’été 1808 au moment où deux jeunes filles, deux pensionnaires du couvent arrivées en fin d’études et sur le point de rentrer dans leurs familles, sont en train de se faire leurs adieux. L’une s’appelle Eugénie de Coussy, l’autre Pauline de Montendre. Elles ont toutes deux le même âge – dix-sept ans – et toutes deux éprouvent cette tristesse que l’on ressent en se séparant d’une compagne que les années écoulées ont faite très proche.
Bien sûr, on se promet de s’écrire souvent, de ne pas se perdre de vue, de se tenir au courant des événements à venir mais cela ne les satisfait pas pleinement. En effet, si Eugénie reste à Bar où elle va s’installer chez sa sœur Mme de La Guérivière, Pauline rejoint sa mère à Paris. C’est donc une vraie séparation qui les désole. Alors Pauline de Montendre a une idée : quand l’une des deux se mariera, elle enverra à l’autre un petit anneau d’or. Un petit anneau tout simple : les détails viendront après.
Mais justement ces détails intéressent Eugénie qui renchérit sur l’idée de son amie : si le fiancé est chevalier de la Légion d’honneur (car bien sûr ces jeunes filles ne rêvent que des soldats de Napoléon), on mettra une étoile à l’anneau. On en mettra deux si l’élu est baron, trois s’il est comte. Et si c’est un duc ? dit Pauline. La suggestion soulève de grands éclats de rire. À idée folle, réponse folle :
« Eh bien, dit Eugénie, l’anneau portera de petits diamants mais je serais bien étonnée si l’une de nous deux avait à faire cette dépense. »
Or, au mois de janvier 1812, Pauline de Montendre reçoit un écrin de velours blanc renfermant un anneau serti de petits diamants. Et, en effet, quelques jours plus tôt, Eugénie a épousé le maréchal Oudinot, duc de Reggio, dans la cathédrale de Bar-le-Duc réchauffée par des centaines de cierges. Elle a tout juste vingt ans, il en a quarante-quatre, il est veuf avec six enfants mais ce n’en est pas moins un très authentique mariage d’amour. Que s’était-il donc passé ?
Rien que de fort simple au fond, encore que de très romantique. Mme de La Guérivière, sœur d’Eugénie de Coussy, était très liée avec la maréchale Oudinot et elle fut l’une des premières à visiter Jean d’Heurs en compagnie de sa jeune sœur. Avec d’ailleurs une idée derrière la tête : marier Eugénie avec le jeune Victor Oudinot qui était son aîné de un an et qui était un très charmant garçon, tout à fait capable de séduire une jeune fille.
La maréchale, née Françoise Derlin, était une aimable femme d’une quarantaine d’années, belle encore mais de santé précaire. Elle approuva tout de suite le projet de son amie : Eugénie, grande fille blonde aux magnifiques yeux noirs, pleine de grâce et de distinction, avait tout pour plaire. Le jeune Victor était, pour sa part, totalement d’accord. Rien n’aurait dû en conséquence s’opposer au mariage. Sauf Eugénie elle-même… Eugénie qui trouvait Victor bien gentil mais n’hésitait pas à le trouver fade en comparaison de son père.
Le premier contact a eu lieu par le truchement du portrait du maréchal qui trônait dans le grand salon. Non que le héros fût beau. Il était même plutôt laid mais Eugénie avait été séduite par le visage énergique, les yeux sombres et l’épaisse crinière de cheveux noirs. À la rigueur, on pouvait penser que le peintre avait flatté son modèle mais bientôt Eugénie se trouve confrontée à la réalité : Oudinot est venu se remettre chez lui d’une grave blessure reçue sous Dantzig. Et elle n’est pas déçue, loin de là : le Bayard de la Grande Armée lui paraît même encore mieux que son portrait.
Eugénie comprend très vite ce qui lui arrive et, comme elle est honnête, comme la maréchale l’a toujours reçue avec bonté, elle trouve le courage de cesser toute visite à Jean d’Heurs. À la stupeur de Mme de La Guérivière qui finit par conclure, faute d’information plus précise, que son aristocrate de sœur trouve les Oudinot de naissance trop modeste pour elle.
Or, à l’automne 1810, la maréchale Oudinot meurt à la suite d’une courte maladie, loin de son époux qui se trouve alors en Hollande. C’est seulement l’année suivante que celui-ci peut revenir s’agenouiller sur sa tombe… mais presque immédiatement après il se rend à Bar, chez Mme de La Guérivière. Car si Eugénie est amoureuse d’Oudinot, celui-ci rêve d’elle depuis pas mal de temps. Quelques mois plus tard, l’accord se fait entre eux à la grande stupeur de la sœur aînée.
Le voyage de noces est bref. Le maréchal doit se rendre à Berlin pour y prendre le commandement du 2e corps de la Grande Armée. Eugénie l’accompagne, fière et heureuse. Avec orgueil elle voit son époux entrer dans Berlin à la tête de ses quarante mille hommes et défiler dans Unter den Linden. Mais ensuite il faut regagner la France et la regagner seule : l’Empereur prépare la campagne de Russie.
À Jean d’Heurs où elle est désormais maîtresse, Eugénie occupe ses loisirs à écrire de longues lettres pour l’absent et à monter sa maison sur un pied réellement ducal. Sa vie y est paisible entre sa mère, son oncle le baron de Coussy et ses beaux-enfants… jusqu’à ce qu’elle apprenne par Le Moniteur que son époux est grièvement blessé au fin fond de la Pologne. Alors, n’écoutant que son amour, Eugénie, accompagnée de son seul oncle, se lance sur les routes pour rejoindre le cher Nicolas, priant continuellement pour avoir la joie de l’embrasser une dernière fois.
C’est une folle, une incroyable équipée qui porte Eugénie à la hauteur des héroïnes de roman. Elle réussit non seulement à retrouver son Nicolas encore vivant mais à le ramener à travers les invraisemblables dangers et le drame que fut la retraite de la Grande Armée. Et c’est triomphalement qu’elle rentre avec lui dans leur château. Hélas, c’en est fini de l’héroïsme pour l’un comme pour l’autre. Poussé par sa femme, Oudinot se retourne contre Napoléon. Il fait partie de ceux qui l’obligent à signer son abdication et reste chez lui tandis que le canon tonne à Waterloo… Il en sera récompensé : jusqu’à sa mort, en 1847, il demeurera grand chancelier de la Légion d’honneur et gouverneur des Invalides. Jusqu’à sa mort aussi, il conservera l’amour d’une épouse qui lui a donné quatre enfants.
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