Le cœur navré, Léonard laissa partir Lisa, se consolant en compagnie de son cher portrait. Il attendit longtemps son retour. Jusqu’au jour où le hasard le remit en face de Giocondo dans une rue de Florence. L’homme lui apprit que Lisa était morte quelques mois plus tôt à Lagonero d’une fièvre putride. Il lui apprit aussi qu’il avait, pour sa part, l’intention de se remarier et qu’en conséquence il ne tenait pas du tout à ce que le portrait lui fût livré pour ne pas indisposer sa fiancée. Du même coup, cela le dispensait de payer… Mais ni pour or ni pour argent Léonard n’eût consenti à lui abandonner un portrait devenu plus cher que jamais à son cœur.

Telle est l’histoire que, ce soir-là, le peintre raconte à François Ier. Est-elle vraie ou cache-t-elle une autre histoire ? Le secret du sourire de la Joconde n’a jamais été réellement percé mais, après tout, pourquoi Léonard de Vinci n’aurait-il pas dit la vérité ?

Ce qui est sûr, c’est que le roi eut plus que jamais envie de s’assurer la possession du tableau. Il avait offert quatre mille écus, il entendait les payer… mais pour ne pas briser le cœur du vieux peintre, il spécifia que la Joconde n’entrerait dans les collections royales qu’à la mort de son auteur. Cette mort survint le 2 mai 1519, au Clos-Lucé. Le récit qu’en a donné Vasari d’après ce que lui avait rapporté Francesco Melzi, l’élève préféré, passe aussi pour une légende, comme si tout ce qui touchait à la vie du peintre génial, de l’ingénieur fabuleux, de l’inventeur des machines les plus extraordinaires ne pouvait inspirer que le doute.

« Le Roi qui le visitait souvent avec amitié survint. Léonard plein de respect pour le prince se souleva de son lit et, lui racontant les accidents de sa maladie, demanda pardon à Dieu et aux hommes de ne point avoir fait pour son art tout ce qu’il aurait pu. Le Roi lui tint la tête mais comme si ce divin artiste eût senti qu’il ne pouvait espérer plus grand honneur sur cette terre, il expira entre les bras du Roi… »

Vérité ? Légende ? Quoi qu’il en soit, l’image est bien belle.

Aujourd’hui le Clos-Lucé appartient au comte Saint-Bris qui l’entretient avec un soin jaloux.


HORAIRES D’OUVERTURE

Du 1er janvier au 31 janvier 10 h-18 h Du 1er février au 30 juin 9 h-19 h Du 1er juillet au 31 août 9 h-20 h Du 1er septembre au 31 octobre 9 h-19 h Du 1er novembre au 31 décembre 9 h-18 h

Fermé le 1er janvier et le 25 décembre.

http://www.vinci-closluce.com/

Compiègne

Le chapeau de Marie-Louise et la chemise de nuit de la Castiglione

Épousez une Allemande, mon cher ! Elles sont douces, bonnes et fraîches comme des roses.

NAPOLÉON Ier

« Je suis logé à Versailles en roi, à Fontainebleau en gentilhomme, à Compiègne en paysan », dit un jour Louis XIV peu satisfait de ses logis dans un château qui n’est rien de plus qu’un pavillon de chasse et qui d’ailleurs ne représente pour lui que de mauvais souvenirs : durant les jours noirs de la Fronde, il y a séjourné quelque temps en compagnie de Mazarin.

Néanmoins, la splendeur des forêts environnantes et sa passion toute bourbonienne pour la chasse vont inciter le grand roi à effectuer quelque soixante-quinze séjours dans la vieille bâtisse datant de Charles V qui s’élève alors à la place du château actuel.

Ce château, c’est Louis XV qui en décide la reconstruction. Lui aussi aime la chasse. En revanche, il déteste les courants d’air, le style Haute Époque et tout ce qui ressemble de près ou de loin à un mâchicoulis. En foi de quoi il fait raser le château et, en 1738, charge l’architecte Gabriel, bientôt remplacé par son fils Jacques-Ange Gabriel, de lui construire une demeure qui soit à la fois digne d’un roi et de son goût à lui qui est très sûr.

Commence alors une assez étrange entreprise de reconstruction. Le roi, en effet, n’entend pas se priver de chasser pour une chose aussi insignifiante qu’un vaste chantier. On procède donc de la façon suivante : on démolit un morceau, on le reconstruit aussitôt avant de démolir un autre morceau à seule fin que le roi et une cour réduite trouvent à se loger. Ce qui n’est guère commode et fait traîner les travaux. Moyennant quoi, le château commencé en 1738 ne sera vraiment achevé qu’en 1786… et encore ! Il y manque la chapelle, l’avant-cour et les hôtels destinés aux ministres, mais Louis XVI et Marie-Antoinette peuvent y effectuer quelques agréables séjours.

À peine terminé, Compiègne tombe sous la patte des révolutionnaires qui en font un prytanée militaire. Les gamins, destinés à l’armée ou à n’importe quelle profession, n’ont jamais représenté une catégorie d’habitants bien respectueux et quand Napoléon prend possession du château, en 1806, après avoir expédié ledit prytanée à Châlons-sur-Marne, il y a un sérieux ravalement à faire. C’est l’architecte Berthault qui s’en charge et, deux ans après, Compiègne a retrouvé suffisamment d’éclat pour recevoir dignement un hôte forcé de l’Empereur : le roi d’Espagne Charles IV, son épouse et son ministre Godoy qui cumule cette fonction officielle avec celle, presque aussi officielle, d’amant de la reine. Ils n’y resteront que quelques mois.

En mars 1810, le château est en proie à l’affolement : on repeint, on redécore, on retapisse, on arrange et on se fait du souci : Napoléon attend sa fiancée autrichienne et il a été décidé que Compiègne abriterait la première nuit de Marie-Louise après sa rencontre avec son futur époux.

L’arrivée est prévue pour le 28 mars mais, dès le 27, l’Empereur, qui ne tient plus en place, décide de se rendre en personne au-devant de la voyageuse en la seule compagnie de Murat. Au château, on ne se tourmente pas outre mesure : l’archiduchesse doit passer la nuit à Soissons ; le couple ne sera là que le lendemain.

Or, à dix heures du soir, c’est le branle-bas de combat à l’arrivée soudaine d’un page essoufflé, couvert de boue, qui est pratiquement tombé de cheval dans la cour : ils arrivent ! Et il faut se hâter de préparer l’appartement de la future impératrice. Alors tout s’anime comme d’un coup de baguette magique : des laquais en livrée verte portant des torches s’alignent sur le perron tandis que les fenêtres et les toits se peuplent comme par enchantement. Un orchestre s’installe sur la galerie extérieure, le perron se garnit de dames en robes à traîne, dont les diadèmes lancent mille feux, et d’uniformes chamarrés. Enfin, la berline impériale attelée de huit chevaux fait son entrée et s’arrête devant le tapis déroulé. Les valets de pied se précipitent, les tambours battent tandis que les révérences courbent les satins et les velours des toilettes de cour.

On peut voir Napoléon sauter à terre puis se tourner, rayonnant, vers celle qui est encore dans la voiture avec tous les soins et toutes les tendres précautions d’un amant attentif. Et chacun de constater, non sans stupeur, que l’archiduchesse est rouge comme une pivoine épanouie, que sa toilette est visiblement dérangée et que l’absurde chapeau à plumes de perroquet multicolores qu’elle porte donne dangereusement de la bande. En outre, son attitude bizarrement gênée prête à penser. Et plus d’une mauvaise langue de conclure que la berline vient de servir d’antichambre à la chambre à coucher.

Dans le château, Napoléon entraîne Marie-Louise au pas de charge vers son appartement où l’attend la duchesse de Montebello, sa dame d’honneur. Il y a là une table toute servie et le nouveau couple va y souper en la seule compagnie de la sœur de Napoléon, Caroline, reine de Naples. Après quoi on peut supposer que l’Empereur ira coucher à la chancellerie. Il n’en est rien. Napoléon – après avoir consulté pour la forme le cardinal Fesch, son oncle – pense que le mariage par procuration célébré à Vienne est tout à fait valable et lui donne tous les droits :

« Quand vous serez seule, je viendrai vous retrouver », dit-il à Marie-Louise. Et, de fait, une heure après, il s’inonde d’eau de Cologne puis, nu sous sa robe de chambre, il revient. À Sainte-Hélène, bien plus tard, il confiera à Gourgaud :

« Je vins et elle fit tout cela en riant. »

Le malheur veut que ce mariage si bien commencé ait si mal fini. Tout à l’opposé d’un autre mariage, célébré, cette fois, le 7 août 1832.

Ce jour-là, sous une pluie battante, le roi Louis-Philippe Ier marie sa fille Louise au roi des Belges Léopold Ier. Et le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas un mariage gai.

Léopold de Saxe-Cobourg n’est roi que depuis l’année précédente. Quand les Belges ont voulu se trouver un fondateur de dynastie, ils ont choisi celui qui leur semblait apporter les meilleures garanties de sagesse, de grandeur et de fermeté. En cela – et en certains autres détails, d’ailleurs – le choix se révèle excellent mais, d’un autre côté, Léopold est tout ce que l’on veut sauf amusant. D’abord c’est un veuf inconsolable depuis la mort en couches, après quelques mois de mariage, de sa jeune femme Charlotte, princesse héritière d’Angleterre. Quinze années écoulées n’ont pas réussi à apaiser ce chagrin.

Cela, la blonde et charmante princesse Louise le sait parfaitement. En outre, elle n’a guère envie, à dix-huit ans, d’épouser un homme qui en a vingt-trois de plus qu’elle. Mais quand la politique l’exige, que peuvent les cœurs de jeunes filles ? Louise devra se soumettre et avec elle toute sa famille qui n’a pas plus envie qu’elle de la voir partir pour Bruxelles. C’est que l’on est très unis dans cette famille d’Orléans et l’on y pratique l’affection avec autant de constance que chez de simples bourgeois.