Alors que nous nous disions au revoir dans la coursive, il chercha sa carte d'embarquement. Il fouillait ses poches et me regarda avec un drôle d'air.

– Ah, me dit-il, j'allais oublier. Un coursier a déposé ceci pour vous à l'Académie. Décidément, j'aurai joué au facteur jusqu'au bout. Cela vous fera de la lecture en vol.

Il me remit une enveloppe cachetée sur laquelle figurait mon nom et me conseilla vivement de courir si je ne voulais pas rater mon avion.

*

*     *

Deuxième cahier

Le commandant de bord venait de nous autoriser à détacher nos ceintures de sécurité. L'hôtesse poussait son chariot dans l'allée, servant des rafraîchissements aux passagers des premiers rangs.

Je pris dans ma poche la lettre que Walter m'avait confiée et la décachetai.

Cher Adrian,

Nous n'avons pas eu l'occasion de nous connaître vraiment et je le déplore, tout comme je déplore les tragiques événements que vous avez vécus en Chine. J'ai eu la chance de côtoyer Keira. C'était une femme formidable et j'imagine combien votre chagrin doit être grand. Ce ne sont pas des pêcheurs qui vous ont secourus mais des moines qui se baignaient dans la rivière au moment où votre véhicule s'y est précipité. Vous vous demandez comment je sais cela ? Vous ne pouvez pas vous en souvenir, vous étiez encore inconscient, mais je suis venu vous rendre visite à l'hôpital. C'est moi qui ai fait le nécessaire pour assurer votre rapatriement de Chine dès que votre état de santé l'a permis. Pourquoi ? Parce que je me sens un peu responsable de ce qui vous est arrivé. Je suis un vieil homme qui, comme vous, en d'autres temps, se passionna pour les recherches que vous avez entreprises tous deux. Il m'est arrivé d'aider Keira quand je le pouvais, de la convaincre de ne pas renoncer, et je devine que sans elle, vous voudrez tout arrêter. Je sais qu'elle aurait souhaité que vous poursuiviez. Il le faut Adrian. Il serait si injuste qu'elle ait sacrifié sa vie pour rien. Ce que vous découvrirez peut-être dépasse de loin le cadre de votre seule existence et, j'en suis certain, finira par répondre aux questions que vous vous posez depuis toujours.

Au cours de ces nombreuses années de recherches, j'ai découvert un autre texte qui n'est peut-être pas sans rapport avec la quête que vous poursuivez. Il s'agit d'un écrit que peu de gens ont pu consulter.

Si je n'ai pas réussi à vous faire changer d'avis, alors ne lisez pas ce feuillet que je joins à ma lettre, je vous en supplie. Il n'est pas sans risque d'en prendre connaissance. Je compte sur votre sens de l'honneur que je sais indéfectible. Dans le cas contraire, lisez, et je suis certain qu'un jour vous comprendrez.

La vie a bien plus d'imagination que nous tous réunis, elle est parfois porteuse de petits miracles, tout est possible, il suffit d'y croire de toutes ses forces.

Bonne route Adrian,

Votre dévoué

Ivory.

Je rouvris la pochette de photos pour regarder une fois encore celle qui nourrissait en moi le fol espoir que Keira puisse être encore en vie.

Je dépliai le second feuillet de la lettre d'Ivory...

« Il est une légende qui raconte qu'un enfant dans le ventre de sa mère connaît tout du mystère de la Création, de l'origine du monde jusqu'à la fin des temps. À sa naissance, un messager passe au-dessus de son berceau et pose un doigt sur ses lèvres pour que jamais il ne dévoile le secret qui lui fut confié, le secret de la vie. Ce doigt posé qui efface à jamais la mémoire de l'enfant laisse une marque. Cette marque nous l'avons tous au-dessus de la lèvre supérieure, sauf moi.

Le jour où je suis né, le messager a oublié de me rendre visite, et je me souviens de tout. »

En repliant la lettre d'Ivory, je me suis souvenu de cette conversation avec Keira au cours d'une soirée passée à la belle étoile, alors que nous faisions route vers la Cornouailles.

– Adrian, tu ne t'es jamais demandé d'où nous venions ? N'as-tu jamais rêvé de découvrir si la vie était le fruit d'un hasard ou de la main de Dieu ? Quel sens donner à notre évolution ? Sommes-nous juste une étape vers une autre civilisation ?

– Et toi, Keira, n'as-tu jamais rêvé savoir où commence l'aube ?

*

*     *

Le vol qui décollait d'Athènes pour Londres accusait une bonne heure de retard. Enfin la passerelle se rétracta. Un téléphone sonna. L'hôtesse réprimanda le passager assis en première classe qui prenait cet appel, mais ce dernier promit d'être bref.

– Comment a-t-il réagi en voyant les photos ?

– Comment auriez-vous réagi à sa place ?

– Vous lui avez remis la lettre ?

– Oui, à l'heure qu'il est, il doit être en train de la lire.

– J'en conclus donc qu'il est reparti. Je vous remercie, Walter, vous avez fait du bon travail.

– Je vous en prie, Ivory, c'est un honneur de travailler avec vous.

*

*     *

La mer Égée s'effaçait sous les ailes de mon avion, dans dix heures, j'arriverai en Chine...

À paraître...

La Première Nuit

Merci à

Pauline.

Louis.

Susanna Lea et Antoine Audouard.

Emmanuelle Hardouin.

Raymond, Danièle et Lorraine Levy.

Nicole Lattès, Leonello Brandolini, Antoine Caro, Élisabeth Villeneuve, Élisabeth Franck, Arié Sberro, Sylvie Bardeau, Tine Gerber, Lydie Leroy, Joël Renaudat, et toutes les équipes des Éditions Robert Laffont.

Pauline Normand, Marie-Ève Provost.

Léonard Anthony, Romain Ruetsch, Danielle Melconian, Katrin Hodapp, Marion Millet, Marie Garnero, Mark Kessler, Laura Mamelok, Lauren Wendelken, Kerry Glencorse.

Brigitte et Sarah Forissier.

Kamel, Carmen Varela.

Frédéric Lenoir, dont le Petit traité d'histoire des religions (Plon) a inspiré le propos d'Ivory pages 112 et 113.

Retrouvez toute l'actualité de Marc Levy

www.marclevy.info

www.myspace.com/marclevy

Pour en savoir plus sur Le Premier Jour

www.lepremierjour-lelivre.com

DU MÊME AUTEUR

chez le même éditeur

Et si c'était vrai..., 2000

Où es-tu ?, 2001

Sept jours pour une éternité..., 2003

La Prochaine Fois, 2004

Vous revoir, 2005

Mes amis, mes amours, 2006

Les Enfants de la liberté, 2007

Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites, 2008

Couverture et 4e de couverture : © Richard Hallman, Joy Tessman

et Mark C. Ross/Getty Images

© Versilio, 2009

ISBN 978-2-361-32001-0