Un bref regard à la haute façade de son palais, et Aldo sauta à terre, offrit sa main à Guy au cas où il aurait eu besoin d’aide.

— Nous voici chez nous, mon cher ami ! s’écria-t-il avec un sourire radieux. En ce qui me concerne, pas mécontent d’être de retour !

— C’est toujours bon de retrouver sa maison ! approuva celui-ci en acceptant la main tendue plus pour le contact avec son ancien élève que par besoin réel tandis qu’au seuil éclairé par les deux lanternes de bronze Zaccharia en tenue de réception, plus empereur romain que jamais, leur souhaitait la bienvenue avant de les précéder dans le vaste vestibule où le personnel attendait aligné : Livia qui avait repris non sans talent les casseroles de la géniale Cecina la défunte épouse de Zaccharia, Prisca et Gelsomina qui veillaient au reste du palais, plus les deux filles de cuisine et les deux valets chargés de diverses tâches. Tous lui souhaitèrent une tonitruante « Bienvenue ! » qui lui alla droit au cœur, tandis que s’éloignait l’impression de solitude éprouvée durant le voyage en dépit de la présence de Guy.

Il y avait même Angelo Pisani qu’on lui avait dit malade !

— Qu’est-ce que vous faites-là, Angelo ? Je vous croyais au fond de votre lit ?

— Je m’y ennuyais trop ! Alors je suis venu… et très heureux d’y être !

Morosini les remerciait tous, avec une chaleur pleine d’émotion, quand un bruit singulier parvint à ses oreilles : le cliquetis d’une machine à écrire lancée à vive allure !… Cela venait de la porte restée entrouverte du secrétariat…

— Vous avez besoin d’un coadjuteur ? demanda-t-il à Pisani qui devint rouge brique. Les affaires sont florissantes à ce point ?

— Je… oui ! Je veux dire non… mais peut-être bien que…

L’abandonnant à son bredouillement, Aldo se dirigea vers le clac-clac toujours aussi actif, poussa la porte, se figea un instant sur le seuil puis le franchit et referma en s’adossant au vantail…

En face de lui, sous la lumière d’une lampe bouillotte, il voyait au-dessus d’un sévère chemisier de piqué blanc, et d’une veste de tailleur gris, une tête rousse aux cheveux tirés en chignon strict, de grosses lunettes d’écaille aux verres teintés, un visage dépourvu de maquillage…

— Mina !… murmura-t-il au bout d’un moment, écartelé entre un fou rire et l’envie de pleurer. Mina revenue ?…

Elle arrêta son travail, leva les yeux sur lui, toujours collé à sa porte, puis toussota pour éclaircir sa voix soudain enrouée :

— J’ai pensé, murmura-t-elle, que si vous ne vouliez plus de moi pour femme… ce que je comprendrais, je pourrais redevenir votre secrétaire… comme autrefois ? Je m’ennuie tellement sans vous !

Alors, il éclata de rire, la fit lever, enleva les affreuses lunettes qui cachaient si bien d’immenses yeux violets, pleins de larmes, ôta peigne et épingles pour libérer la somptueuse chevelure fauve et regarda Lisa bien en face :

— Idiote ! déclara-t-il en la prenant dans ses bras… et hypocrite par-dessus le marché ! Comme si tu ne connaissais pas la réponse !


Saint-Mandé, novembre 2011.


1  Voyante célèbre à l'époque.

2  Allusion à la guerre fratricide qui opposa au XVe siècle en Angleterre la maison d'York à la maison de Lancastre (blanche et rouge).


3  Voir La Perle de l'Empereur.

4  Voir Le Collier sacré de Montezuma.


5  On ne portait jamais de bracelet-montre avec le smoking.


6  Élève toujours.

7  Voir Le Collier sacré de Montezuma.

8  Voir Les Émeraudes du Prophète.

9  Voir Les Émeraudes du Prophète.

10  Voir Le Rubis de Jeanne la Folle.

11  Voir Le Collier sacré de Montezuma.

12  Abréviation de bélinogramme, photographie transmise par bélinographe.

13  Nom donné à certains flibustiers au XVIIe siècle.