Oubliant Isabelle, Catherine s'était traînée plus qu'elle n'avait marché jusqu'au porche, s'y agrippait... Ses jambes tremblaient, elle les sentait fléchir, mais une main vigoureuse la remit debout.

— Tenez bon, dame Catherine ! fit la voix enrouée de Gauthier... Pas devant ces gens !

Mais elle non plus ne voyait rien, que la silhouette noire de l'homme qui s'en allait, du soleil plein les mains. Sur le rempart, pour étouffer le son sinistre des cloches, une trompette sonna et, aussitôt, tout au long du rocher, les cornemuses entamèrent un chant triste et lent où, pourtant, résonnaient encore les rumeurs de la guerre. C'était le dernier adieu de Kennedy à son compagnon d'armes.

Là-bas, Arnaud avait rejoint le moine. L'appel des cornemuses le fit se retourner une dernière fois. Il regarda le village, le château sur son éperon orgueilleux, puis le visage gris et pitoyable du bénédictin.

— Adieu la vie !... murmura-t-il, adieu l'amour !...

— Mon -fils, dit doucement le moine, songez à Dieu !...

Mais pour lui aussi, Dieu était trop loin. Une fureur désespérée s'empara d'Arnaud. Sa voix s'enfla, si fort que l'écho la renvoya aux quatre horizons de la vallée.

— Adieu, Catherine ! cria-t-il.

Cette voix... la voix de son amour, pouvait-elle, l'épouse solitaire, la laisser sans réponse ? La même révolte suprême qui avait arraché cette plainte immense à la gorge d'Arnaud passa dans l'âme de Catherine. Elle s'arracha des mains de Gauthier, s'élança sur le chemin rocailleux, tendant follement les bras vers celui que le moine emmenait.

— Non ! hurla-t-elle. Pas adieu !... Pas adieu !

Elle buta contre une pierre, tomba à genoux dans la poussière, les bras toujours tendus. Mais le moine et le lépreux avaient franchi le tournant du sentier... Le chemin était vide.